mercredi 15 août 2012


Une expérience de Mutualisation informatique au service des patients


GIE INFORMATIQUE;UNE EXPÉRIENCE DE MUTUALISATION


Introduction 

         L’histoire de cette informatique mutualisée commence en 1984 lors de la constitution de la société Solime, une SA, créée par notre cabinet pour installer un tomodensitomètre auprès d’une polyclinique chirurgicale à distance de notre cabinet de ville. Une informatique sur IBM 36 de Pyrénées-informatique (PI) équipait le cabinet de ville. Nous avons alors essayé de monter un réseau informatique entre le cabinet et le site du scanographe au travers d’un lien France Télécom. Il s’est avéré fonctionnel, mais avec quelques difficultés concernant les temps d’accès. En outre, des problèmes pratiques de temps et des horaires d’ouverture diffèrent, nous obligerons à changer d’idée.
L’IBM 36 restera seul au cabinet et un logiciel, sur base de données 4D, développé par un informaticien universitaire local, sera mis en place sur le centre d’imagerie lourde pendant quelques années. 

Constitution d'un réseau informatique inter-structures 

Avec l’extension de la Solime, par l'arrivée de la médecine nucléaire en 1988 puis de l’IRM en 1990 et la reprise de l’activité de la radiologie conventionnelle de la clinique, il devient alors nécessaire de repenser l’informatique, d’autant que la clinique était déjà équipée du logiciel Santé400 de PI. De ce fait et compte tenu du partenaire informatique identique à celui du cabinet, nous choisissons de revenir vers le même fournisseur, sur AS400, pour homogénéiser le fonctionnement.

En 1996-1997, le déménagement du scanner, de l’IRM et de la médecine nucléaire dans un site plus adapté à l’ensemble de ces activités, nous permet de modifier toute l’infrastructure. Nous migrons l’ensemble du réseau, token-ring sur un réseau Ethernet et ceci malgré la résistance des partenaires IBM qui souhaitaient conserver cette ancienne technologie !!!
Dès lors, des liens, entre l’AS400 de la Solime , qui gère l’ensemble des activités d’imagerie lourde et de la clinique, et celui du cabinet permettent de mettre en cohérence les bases de données et les worklists ; les prises de rendez-vous restent séparées du fait des spécificités de chaque structure.`

Restructuration de l'informatique et évolution vers l'intégration d'un système qualité Iso 

De 1996 à 1999, parallèlement a cette évolution informatique , nous engageons un gros travail de formalisation de notre système qualité puis de certification ISO de notre structure. Il est alors décidé de mettre en place une gestion documentaire du système qualité et un intranet sur « lotus note domino » sur le serveur AS400.
Cette réflexion qualitative profonde sur l’organisation nous permet de bien visualiser les axes de développement et d’amélioration continue. Ainsi lorsque Pyrénées-informatique nous annonce en 2001 qu’ils cessent d’entretenir le logiciel Radio400 pour vendre à Siemens leur système d’information hospitalier (HIS santé400), notre cahier des charges informatique est prêt pour le changement.
À l’époque, les concurrents informatiques crédibles sont :
— Waid : très investi en privé ayant racheté de nombreux petits fournisseurs. 
— Quadrat : c’est un produit très abouti, de type client-serveur, d’origine belge, mais sans module de facturation français hélas.
— Cégedim qui a développé sur Lyon un logiciel sur 4D.
— Enfin EDL qui est surtout à vocation hospitalière et sur base de données Oracle, mais qui a deux particularités qui nous intéressent fortement, la capacité à travailler en multisite et un module statistique performant dont nous avons besoin pour gérer nos indicateurs qualité.
Malgré le caractère très hospitalier et donc à l’époque, l’absence de véritable module performant de facturation, nous avions confiance dans notre capacité à faire développer celui-ci selon notre modèle assez rigoureux de gestion comptable pour entreprendre ce partenariat en 2002.
Notre cahier des charges précisait, non seulement, la gestion classique du métier radiologique : prise de rendez-vous, accueil et création de la « worklist » avec identification unique du dossier patient, gestion des dictées et des comptes rendus, facturation et suivi des impayés. Il était aussi nécessaire de bien paramétrer les interfaces de comptabilité et les interfaces avec les cliniques avoisinantes. Il fallait aussi séparer la gestion des différentes structures sociales, la SA Solime, le cabinet de médecine nucléaire, le service radio-écho de la clinique et bien sûr notre cabinet situé à distance d’environ 8 km au centre-ville.

Constitution du GIE informatique J. Callot 

Compte tenu de ces contraintes, nous avons alors créé un GIE informatique entre la SA Solime, responsable des autorisations de matériel lourd et du service radiologique de la Clinique et la SELARL de radiologie de ville (RX125).
Les serveurs installés physiquement à la SOLIME distribuent par le réseau de fibres optiques, d’abord de France Télécom puis de la communauté urbaine,les différents sites et l’ensemble des associés du GIE. 
Parallèlement, les collègues et concurrents avec lesquels nous partagions l’activité IRM obtiennent une autorisation de résonance dans leur clinique à l’autre bout de la ville, au côté d’un scanner. L’un des associés de ce groupe, avec lequel nous avons des relations de confiance, connaissait ce logiciel et le fournisseur pour l’avoir utilisé au CHU. Il a alors participé à toutes les discussions techniques et au choix des solutions retenues en nous faisant part de leur intérêt pour un travail commun d’autant qu’ils souhaitaient changer leur informatique.
Nous avons alors accepté de les faire entrer dans le GIE informatique pour déployer cette solution au travers du réseau métropolitain (fibre noire activée à 100 Mégabits/s). 
         Depuis 2003, le GIE mutualise donc l’informatique du RIS entre différentes entités juridiques avec la particularité d’un identifiant patient unique, mais avec une gestion séparées de chaque structure juridiquement indépendante. Depuis cette époque, l’historique patient est donc commun.

        La mise en route d’un archivage image mutualisé, en juillet 2004,connecté au dossier patient, nous permet de travailler selon des standards de qualité médicale très élevés. Nous pouvons tous, comparer les données des différents examens qu’il s’agisse de radio, d’écho de scanner, d’IRM, mais aussi de scintigraphie et aujourd’hui de Petscan. Cet accès à l’historique permet ainsi d’éviter toute redondance d’examen. Les réunions pluridisciplinaires de cancérologie  bénéficient ainsi pleinement des dossiers uniques des patients d’autant que l’on archive non seulement les comptes rendus et les images, mais aussi les comptes rendus opératoires et les résultats d’anatomie pathologique. Nous espérons en outre, demain, y inclure par le développement informatique le suivi longitutinal et la mesure de l’irradiation cumulative des patients grâce à l’interfaçage des appareils radiologiques avec le dossier patient.
Sur le plan financier, cette mutualisation repose sur une contractualisation simple et claire. Les investissements sont supportés par le GIE Callot et la répartition des charges se fait au prorata de l’utilisation, au nombre de dossiers et au volume des examens archivés. La solution s’est avérée assez robuste pour s’étendre vers d’autres partenaires. Une autre SELARL d’une clinique avoisinante et d’autres sites où nos collègues participent à des GIE hospitaliers dont l’un à 30Km de là sur la ville de Lunéville nous ont maintenant rejoints. 
Bien sûr, nous avons augmenté au cours de cette évolution, la sécurité et disponibilité maximum du réseau et des serveurs. Tout le réseau est contrôlé en interne par des serveurs VPN avec des accès sécurisés et des connexions contrôlées et nous possédons aujourd’hui deux salles blanches distinctes climatisées sécurisées électriquement et climatisées avec les redondances et les sauvegardes nécessaires sur les bases et les différents serveurs. 
En 2009 le groupe des différents partenaires a réalisé 221 000 actes voir tableau 
En 2010 le groupe s’est étendu et a réalisé 257 000 actes ;
pour les images, nous archivons aujourd’hui 32 Go par jour soit 7To par an.
Cf tableau ci-dessous

Résultats  et évolution 2009/2010

Répartition RIS 

NB de dossiers créés en 2009
Nb de dossiers créés en 2010
GIE LUNÉVILLE

21 237

29 206

SA IMNE

22 406

23 978

SA SOLIME

73 762

76 269

SELARL MAJORELLE

6639

34 971

SELARL MONTET OCTROI

46 158

43 978

SELARL RX125

51 029

48 528

TOTAL 221 231 256 930




Répartition Volume PACS

% utilisé en 2009

% utilisé en 2010

GIE LUNÉVILLE

19,2 %
23,3 %
SA IMNE

29,7 %
29,5 %
SA SOLIME

36,6 %
33,2 %
SELARL MAJORELLE

0,9%
3,4%
SELARL MONTET OCTROI

5,2%
6,4%
SELARL RX125

8,4%
4,2%

Quelques réflexions vis-à-vis de cette expérience 

  • les données  administratives et médicales 

Depuis le début de cette mutualisation et notre déclaration à la CNIL, en 1997, la législation a beaucoup changé avec la loi Kouchner de 2004 qui concerne la propriété des données et le droit d’accès des patients à leurs données. Aujourd’hui, avec l’évolution législative, nous sommes désormais soumis au décret « hébergeur de données de santé » de 2009. Il normalise la gestion, la sécurité et l’accès à ces données. Ce défi doit nous mobiliser complètement, car c’est une nécessité. Compte tenu du caractères très particulier de notre organisation nous avons décidé dans un premier temps de nous engager dans une certification ISO 27000 pour assoir la sécurité informatique . 
Le travail d’accréditation, juridique, technique et fonctionnel est cependant assez lourd, malgré cela nous avons bon espoir d’obtenir l'une et l'autre ces certifications, c’est indispensable. C’est aussi la condition de la poursuite de ce projet passionnant au service de la qualité des soins des patients. Nous devrons cependant là encore le faire sur fonds propres en interne pour l’instant sans soutien des pouvoirs publics ni d'aucun autre ordre .
  • Une organisation pertinente ?  valoriser la qualité ?

Pourtant il nous semble que ces expériences de terrain devraient être suivies de près et accompagnées et soutenues par nos tutelles, d’autant plus que se posent des questions pratiques qui sont autant de remontées d’expérience dont la profession et les tutelles devraient tirer profit. On ne peut malheureusement que constater comme le note le Boston Globe que « le coût de cette informatisation est supporté en bonne partie, voire en totalité, par les praticiens eux-mêmes. Aux états unis il est admis qu’il leur en coûterait entre 25 et 45 000 dollars par cabinet, plus quelques autres milliers pour la maintenance, chaque année. A ce jour, moins de 25 % des médecins américains entreraient, dans leurs systèmes informatiques, des données relatives à leurs patients. »
Donc force est de constater, résume le journal américain, « qu’aujourd’hui, ce n’est pas celui qui paie qui gagne” à s’informatiser. Or, si l’informatique médicale respecte les objectifs qu’on lui assigne, il y aura moins d’erreurs médicales ou médicamenteuses, moins d’examens redondants, et donc moins de consultations. Or, relève ironiquement le Boston Globe, les médecins sont payés lorsqu’ils sont consultés, pas pour maintenir leurs patients en bonne santé… »
       Ce changement de paradigme n’est pour l’instant pas envisagé, peut-être faudrait-il « valoriser » différemment les actes en fonction, non, du nombre effectué, mais plutôt de la qualité de la pratique mise en œuvre. Au contraire, un mauvais signal a été donné en arrêtant de soutenir l’archivage des données (par la baisse répétée de la nomenclature des actes) pour les libéraux alors que des dotations spécifiques sont données régulièrement aux structures publiques. 
     L’éventualité d’une cotation nouvelle pour l’archivage des dossiers de scanners et d’IRM est une bonne chose, mais c’est insuffisant, car toute l’activité d’imagerie médicale devrait en bénéficier. Il n’y a pas, en effet, de différence à faire entre, une échographie, une radiographie, une mammographie ,un scanner et une IRM ou encore un Petscan. 
       Cette connotation péjorative entre les différentes méthodes d’imagerie ne devrait pas exister, c’est un très mauvais signal donné vis-à-vis de l’imagerie médicale ; elle est tout à fait anormale et inacceptable. Une petite radiographie peut avoir plus d’importance qu’une IRM ou un scanner
On sait d’ailleurs le prix de la non réalisation d’une mammographie chez une patiente au stade de début d’un cancer .Nous avons aujourd’hui un gros problème de compréhension de la notion de qualité d’une imagerie, une radiographie normale n’est pas forcément une radiographie inutile. Une grosse machine ou un examen cher n’est pas forcément gage de qualité. La pertinence de la demande apparaît  par contre de plus en plus comme un élément important de la qualité, mais il faut pour cela redonner du sens à la responsabilité de chacun dans l’indication d’un examen .
  • une organisation exemplaire ? centrée sur la patient et sur son suivi

.Pour les non-radiologues, il est difficile parfois d’appliquer en pratique, faute d’outils simples et efficaces, les mesures nécessaires  pour tirer tous les bénéfices que l’on peut obtenir d’une organisation intégrée en réseau de l’imagerie médicale. Il faut aussi du temps pour que ces nouveaux outils entrent dans la pratique journalière. Enfin, le clivage persistant entre l’imagerie médicale privée et publique n’a plus aucun sens, car les patients passent sans barrière d’un système à un autre en permanence et cela ne devrait pas pénaliser la qualité de leurs suivis. »
Notre expérience, mise en œuvre progressivement, est assez originale, elle est en tout cas assez emblématique des capacités impressionnantes de ces systèmes d’information qui révolutionnent tous les jours nos exercices médicaux.
Nous sommes maintenant regardés attentivement et parfois avec étonnement par nos fournisseurs informatiques et par certains de nos collègues-radiologues, car notre expérience concrète est le gage incontestable de notre crédibilité depuis 2002 pour le RIS et depuis 2004 pour le PACS. 
Cette belle histoire a, de ce fait intéressé, des collègues autour de nous pour nous rejoindre et/ou pour reproduire notre expérience de mutualisation des systèmes d’information. C’est le cas d’un groupe d’une région voisine  à la lorraine ,basé à Saint Dizier qui l’a reproduit avec satisfaction semble-t-il et efficacité .
L'extension de ce Gie se poursuit aujourd'hui il intègre le service radiologie de L'hôpital de Pont à Mousson au travers d'un GIE ,le service radiologique de la clinique de la ligne bleue des Vosges à Epinal , et depuis juin 2012 les collègues radiologues de la clinique Claude Bernard à Metz et leur structure d'imagerie lourde .L'aventure continue et devrait encore progresser .
  • A l'avenir 

L’exemple du dossier pharmaceutique, porté par l’ensemble des officines et soutenu par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, devrait être suivi en imagerie médicale. Chaque patient, à qui l’on propose la création d’un dossier radiologique, devrait pouvoir en profiter et en attendre que ses données soient sécurisées et mutualisées au service de sa bonne santé et de la coordination des soins. Il faut, pour favoriser cela, un gros effort de communication pour lui expliquer l’utilité, l’importance et les garanties qu’il est en droit d’attendre pour qu’il s’engage en confiance dans cette voie de l’archivage de ses données.
Il est cependant indispensable de garder à l’esprit que la vraie qualité des soins n’est pas simplement l’accès aux données de santé, même si cela y contribue beaucoup.
Comme le relève un président d’une mutuelle américaine, « le succès ne devrait pas être mesuré en fonction du nombre d’hôpitaux dotés de systèmes informatiques de santé ni du nombre de patients dotés de dossiers médicaux électroniques. Le succès se mesure en fonction de l’amélioration des résultats cliniques ». 
Personne ne doute que la coopération et de la coordination des soins apporteront des gains d’efficience et des économies, ce qui n’est déjà pas si mal et devrait être l’objectif principal aujourd’hui. Il restera à prouver qu’elles permettent aussi d’améliorer la santé et la prise en charge de la population. 

Christian Delgoffe 
publié sur le Radiologue de la FNMR  lundi 25 avril 2011 mis à jour en Juillet 2012

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